vendredi 27 novembre 2009

Fiction historique/fiction essai, quand l'Histoire se matérialise sur nos écrans

Petit article pour en revenir à mes premiers amours, l'Histoire d'une part et le Cinéma de l'autre. Je présente en quelques lignes un sujet au coeur de mes préoccupations sur l'image aujourd'hui, par le prisme de la représentation cinématographique de l'Histoire...Je commence par un article généraliste, je viendrais plus tard l'illustrer par des exemples précis de films. Bonne lecture !
Quelles formes de récits ont choisi les cinéastes pour rendre compte d’un passé ?

Les films représentent désormais un domaine du discours historique, du moins un moyen de penser le passé. Le film construit un autre type d’histoire où le passé est pensé en terme d’images selon des conventions de représentations différentes ou antithétiques à celles de l’histoire. Il existe essentiellement deux catégories de films historiques, la fiction et le documentaire. Et, à l’intérieur même de la catégorie « fiction », il existe deux groupes qui se différencient en premier attention de part le temps du récit. D’un côté nous avons la fiction historique qui est le fruit d’une reconstitution de l’histoire, de l’autre la fiction-essai laquelle veut contraster avec le mode narratif traditionnel qui repose souvent sur la succession d’un début, d’un milieu et d’une fin et qui se décline au temps présent, sans aucune reconstitution d’événements passés. Nous éclairons notre réflexion grâce à un article de l’historien américain Robert A. Rosenstone : « Like writing History with lighting » paru dans la revue Vingtième Siècle en 1995, afin notamment de saisir les spécificités des conventions et des pratiques des films de fiction. Robert A. Rosenstone dégage six caractéristiques permettant de proposer une définition de la fiction historique au cinéma

La fiction historique est avant tout un récit avec un début, un milieu et une fin. La plupart du temps le récit va dans le sens d’un progrès, « inscrit dans une vision plus large de l’histoire ». De plus, le film de fiction historique rend compte d’une seule version des faits. Le point de vue est exclusif. L’histoire est « un passé fermé, terminé et linéaire». Mais la fiction historique présente l’histoire comme un processus. Alors que l’histoire écrite compartimente, le film offre une vision globale de l’histoire. De plus, la fiction historique regarde l’histoire au travers de l’histoire d’individus, connus ou inconnus, qui prennent de l’importance grâce à la caméra. Pour R. A. Rosenstone, « Les fictions dramatiques placent les individus sur le devant de la scène historique, de sorte que la solution de leurs problèmes personnels ou leur rédemption se substituent à la solution des problèmes historiques. Le particulier devient un moyen d’éviter les problèmes sociaux souvent douloureux ou insolubles soulevés dans le reste du film ». De même, la fiction historique dramatise les événements en donnant une dimension émotionnelle à l’histoire racontée. Le film suscite plus l’émotion qu’une réflexion sur celle-ci. R. A. Rosenstone pose la question de l’empathie comme catégorie historique. La fiction historique reconstitue le passé et provoque chez le spectateur une impression de réalité envers les choses dont il est le témoin : le décor, les costumes, les personnages. Ainsi, chacun des quatre films se déroule sur une période plus ou moins longue mais dans un ordre chronologique. Ils développent une ou plusieurs intrigues qui permettent à l’histoire d’évoluer vers un dénouement heureux ou non. Ainsi, la fiction historique répond à des codes d’écriture spécifiques. L’histoire racontée se passe dans un passé reconstitué

En revanche, la fiction-essai se place à l’opposé de la fiction historique dans la manière de constituer un récit, évocateur d’un événement passé. Ce que nous entendons par fiction-essai peut se rapprocher selon certains critères de ce que R. A. Rosenstone nomme « les films post-modernes ». Les films post-modernes s’insurgent contre les modes traditionnels d’analyse et de pensée historique. Ils abordent le passé à l’aide de onze recommandations : « Raconter le passé comme le reflet de ce qu’il signifie pour le réalisateur. Le raconter d’une multitude de point de vue. Eviter le mode narratif traditionnel qui repose sur la succession d’un début, d’un milieu et d’une fin ou montrer que ces trois éléments ne doivent pas nécessairement se succéder. Renoncer au déroulement habituel de l’histoire ou raconter des histoires tout en refusant de prendre au sérieux la manière dont on les raconte. Avoir une approche du passé parodique, surréaliste, dadaïste ou irrévérencieuse. Mélanger des éléments contradictoires, le passé et le présent. Accepter et même se glorifier de la sélectivité des films, de leur caractère partial et partisan de leur dimension rhétorique. Refuser de résumer la signification d’événements passés. Changer et inventer des épisodes et des personnages. Avoir recours à des connaissances fragmentaires et poétiques. Réaffirmer que le présent est le lieu de toute représentation et de tout savoir du passé »

Fiction historique et fiction-essai sont deux genres cinématographiques à part. Une première différence essentielle réside dans le fait que la fiction historique reconstitue le passé qu’elle évoque alors que la fiction-essai se déroule au temps présent. Mais surtout la reconstitution historique pose un problème que la fiction-essai ne pose pas, celui de la représentation fictionnelle d’un moment de l’histoire

A suivre …

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